mercredi 27 août 2014

Non-binarité et accord en genre

La France a un retard certain sur la question de la non-binarité et celui-ci n'est pas forcément dû à la population francophone mais plutôt à la langue elle-même qui, par sa complexité, ne se prête à aucune modification drastique. Car, oui, ajouter un, voire des pronoms signifierait revoir tous les accords en genre et cela ne serait pas une chose facile. Non seulement il faudrait un temps considérable pour s'habituer aux sonorités nouvelles (détail au premier abord futile mais pourtant important, personne ne veut parler une langue laide) mais en plus il n'est pas garanti que la population soit réceptive à ce changement. J'irais même jusqu'à affirmer sans craindre de trop me tromper que peu de gens sont prêts à accepter une telle chose, peut-être trop incompréhensible pour des personnes non familières avec la non-binarité. Pourtant, attendre que les choses changent pour les faire changer n'a pas de sens et je pense que faire un premier pas est quelque chose d'important, alors voici ma proposition.

Tout d'abord, en faisant une rapide recherche Google il est possible de trouver des pronoms tels que "eille", "iel", "yel", etc. Et je dois avouer que ceux-ci ne me satisfont pas du tout. En premier lieu ils ne répondent pas à la question de l'accord. "Éviter de devoir accorder", "trouver des synonymes", "utiliser des tirets pour séparer accord masculin et féminin" et ce genre de solutions sont confortable à l'écrit mais impossible à mettre en place à l'oral. Qui, au cours d'un débat par exemple, va s'arrêter pour rechercher un synonyme qui ne s'accorderait pas? La deuxième raison est que si je suis non-binaire (ou genderqueer), je ne m'identifie pas au sexe féminin ni masculin. À partir de là, je ne veux pas me retrouver avec un pronom qui serait un mélange de "il" et "elle", ce pronom est très bien pour mettre fin à la règle "le masculin l'emporte" mais je ne suis pas non-binaire pour me trouver à utiliser un pronom qui au final renverrait à la binarité homme-femme.

En passant des heures à rechercher quelque chose qui puisse être mis en place j'ai fini par tomber sur un texte très intéressant que je n'ai jamais retrouvé qui proposait le pronom "al" et un accord automatique en и. Par exemple, au lieu de se retrouver avec "un-e" dont la prononciation serait difficile il suffirait d'introduire une nouvelle lettre, lui donner une prononciation et ainsi un-e deviendrait "unи" et tout est plus simple. En effet, prendre une lettre issue d'un autre alphabet me semble judicieux car à essayer de faire marcher les lettres et voyelles que nous connaissons déjà nous n'avons jusqu'à présent fait que tourner en rond. Pourtant, bien qu'une sortie semble se dessiner à l'horizon nous nous heurtons à un autre problème : écrire sur un clavier. Prendre une lettre dans un autre alphabet c'est bien beau mais très peu pratique. Nous en venons donc à mon idée qui est totalement issue de ce texte que j'aurais aimé—mais suis dans l'incapacité de—vous faire lire.

Mon idée serait le pronom al, toujours, mais un accord en æ qui serait bien plus pratique. La prononciation serait soit muette, dans le cas où il n'y a pas de différence orale entre l'accord masculin et féminin, soit en /ɛ/ comme dans cèpe ou mer. (C'est le 애 coréen pour ceux qui sont familiers avec cette langue.) Cela donnerait, avec en gras les moments où il se prononcerait :

il elle al
un une æn
grand grande grandæ
fasciné fascinée fascinéæ
son sa sæ


Au niveau des possessifs cela donnerait mæ/tæ/sæ, bien que cela ressemble à mes/tes/ses la prononciation diffère légèrement et le contexte permettrait de le savoir. Si quelqu'un venait de parler de "sæ petitæ-amiæ" à des personnes initiées, il n'y aurait pas de difficulté de compréhension. Je vous avoue que cela fait en effet bizarre, mais c'est un cap à passer pour aider les personnes genderqueers à pouvoir parler d'als sans être forcéæs de mal se genrer. Peut-être qu'une utilisation orale de ce genre de langage à l'heure actuelle serait trop brutale, il faudrait dans ce cas commencer dès maintenant à s'en servir à l'écrit. En prenant l'habitude d'accorder ainsi à l'écrit et lire le faire, l'oral suivrait avec beaucoup plus de naturel et paraîtrait moins choquant que cela ne semble l'être aujourd'hui. J'ai autant d'a priori que vous quant à la mise en place d'une telle chose et à sa réception mais ce n'est pas en parlant à voix basse que nous seront entendus. Les droits, ça se réclame en criant et nous avons le droit d'être bien genréæs et de parler de nous sans devoir constamment nous référer à une binarité de genre à laquelle nous n'appartenons pas. Ce n'est pas non plus en cherchant tous des solutions qui mettront tout le monde d'accord et ne semblent pas stupides que nous trouverons quoi que ce soit. Modifier un langage passe forcément par une phase où cette modification semble hideuse car inhabituelle, il faut bien garder cela à l'esprit. Je ne pense pas que cet article change quoi que ce soit mais si cela pouvait aider même juste un peu, alors il aurait rempli sa fonction.










Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire